Une réflexion sur la lenteur, la précision et le silence du mouvement.

Le rythme du geste

Chaque dessin commence bien avant que le graphite ne touche le papier.
Il naît dans le calme — dans cet espace silencieux entre le regard et la compréhension.
Avant la première ligne, il y a toujours une pause : une conversation entre l’attention et la retenue.

Mon processus n’est pas rapide, car la lenteur est une forme de respect.
Elle me permet de regarder jusqu’à ce que le sujet cesse d’être une chose à représenter pour devenir une présence à écouter.

Le déroulement d’un projet

Chaque œuvre suit un rythme presque rituel :

1. Écouter — Je commence par le temps. Le temps de regarder, de marcher, de laisser l’idée mûrir. Le sujet me trouve souvent, plutôt que l’inverse.

2. Composer — Croquis, photographies, notes : l’architecture du sens se forme bien avant celle du visible.

3. Exécuter — Le graphite, le fusain et l’effacement deviennent langage. Couche après couche, le papier apprend à respirer.

4. Réfléchir — Je prends du recul souvent. La distance révèle ce que la proximité cache.

5. Présenter — Le dessin est encadré, mais l’histoire reste ouverte — elle appartient à celui qui la regarde.

Chaque étape est un dialogue entre le contrôle et l’abandon — entre la précision et l’acceptation que la perfection n’est pas le but.

Outils et matériaux

L’atelier est rempli des instruments simples de mon métier :
bâtons de graphite Caran d’Ache, fusains Nitram, papier Hahnemühle Nostalgie et la lumière douce du matin qui filtre par la fenêtre.

Il y règne une odeur particulière — un mélange de poussière de papier et de patience.
Ce n’est pas un lieu de production, mais d’attention.

La philosophie

Mes dessins reposent sur quelques principes silencieux :

• Artisanat & Patience — La précision née de la répétition.

• Silence & Absence — Ce qui n’est pas dessiné compte autant que ce qui l’est.

• Texture comme vérité — Les surfaces portent des histoires, même quand le sujet n’en a plus à dire.

• Tradition & Transformation — Dessiner, c’est honorer ce qui demeure tout en laissant place au changement.

Chaque trait est une négociation entre le geste et la retenue — un acte de foi discret, espérant que l’invisible se révèle par l’effort.

Partager le travail

Quand un dessin quitte l’atelier — vers un mur de galerie, une maison de collectionneur ou une publication en ligne — je cherche à garder le même ton : calme, honnête, mesuré.

Le travail continue dans le regard des autres. Ce que je trace n’est que la moitié de l’histoire ; le reste s’écrit dans la manière dont on se tient devant l’image — en silence, en pensée, en mémoire.

Réflexion finale

Au fond, mon travail parle moins d’images que de temps —
de la manière dont il nous traverse, dont nous le tenons, et comment, si l’on écoute assez longtemps, il nous réapprend à voir.